Suspension, Fran Nuda : ELENOR
Voici Elénor, femme moderne,
libérée, indépendante jusqu'à ce que... eh oui, difficile de s'extraire
du carcan que la société depuis l'enfance vous réserve. Elle qui se
croyait hors jeu va finalement faire son entrée dans la vie de couple,
puis, très vite, la vie de famille... un temps heureuse avant de vite
déchanter... bien que vivant avec un chef de choeur... sans coeur...
ainsi commence la courte vie d'amour raisonné d'Elenor. Enfin, pas si
raisonné ni raisonnable que cela mais je vous laisse découvrir le
cheminement d'Elénor, femme libérée dans sa découverte du couple et de
sa fin annoncée. J'ai donc choisi pour l'illustrer celle qui m'a semblé être sa jumelle, " Adèle ". Bien sûr de SYL peintre... ;) Fran Nuda | ||||||||
" Adèle " , site de l'artiste ici |
Elénor
ignore qu’elle est depuis toujours programmée pour un projet que toute femme
normalement constituée doit intégrer : celui d’avoir un mari et des enfants.
Mais pour
elle, c’est si compliqué qu’elle dut… changer de projet ! Et là fut sa chance…
Si Elénor
eut de très nombreux amants, elle ne souhaite pas, pour autant, en dresser, ici,
la liste, car elle ne tire aucune gloire de ces amours illusoires cueillies sur
son chemin d’errance au féminin, qu’on appelle si joliment, sa vie de jeune fille. Mais au temps des
bilans, vers quarante ans, sur la paroi romantique de sa difficile ascension au
pays d’elle-même, elle en épingle quelques-uns, sous forme de poèmes qu’elle
leur dédie.
Feu naître
Au feu de l’amour, avec toi je me chauffe
En moi, ton besoin pénètre, m’en voici comblée.
A toi j’ai dû renoncer, en faim j’ai gardé l’esprit sauf
Me suis laissée être et naître, pour nous retrouver.
J’apprends à te connaître, chacune de nos rencontres
Chasse le pire, ouvre en grand la fenêtre.
Côte à côte nous évoluons, rythmant chacun notre pas.
Une voie à deux temps, lentement, sans pêne
Je ne sais si tu m’aimes, moi je crois que je t’aime,
Préférons des caresses plutôt que des promesses
La tendresse nous
guide l’un vers l’autre
Pour chasser la détresse qui bien avant fut nôtre.
Nous nous offrons du présent, dépassé devient l’absent
Sans tambour ni trompette, nous voguons, goélette…
Mais Elénor, à son tour, entre dans le moule de la femme épanouie, accomplie dans sa nouvelle vie, en couple. Bienvenue ! Voilà comme elle se sent au seuil de ce pas de porte ouverte sur l’amour raisonné, adjectif très prisé de nos jours, certes plus pour la salade verte que pour la vie de couple qui donnera plutôt tort à l’expression, dans la mesure où ni l’un ni l’autre des protagonistes ne sauront trouver de bonnes raisons pour prolonger cette mise en couple. Mais, pour l’instant, elle y croit ferme, au point de faire deux enfants, coup sur coup, façon de parler, bien sûr ! Mais très vite, aussi vite qu’elle les fait, elle déchante, le comble quand on choisit pour compagnon et père de ses enfants, un musicien... Elle quitte son célibat comme on entre dans les ordres, pour se poser, se reposer, trouver la paix de l’âme et de l’esprit. A quarante ans légèrement passés, elle entre dans le nirvana du couple, telle la Belle au Bois Dormant, vu les années qu’elle aussi a dû attendre pour trouver enfin son prince charmant. Qu’importe ! Il est là, pressé, empressé, il veut acheter une maison, avoir des enfants, l’enfermer dans ce cocon étroit qu’il tisse fil à fil autour d’elle sans, par contre, le lui dire… Bien garder à l’esprit que cet homme ne parle presque pas, ce qui entraîne notre héroïne vers tous les excès de rêve d’amour pour la vie… jusqu'à ce que...
Le corps, le cœur et l’esprit en panne, Elénor pense ne jamais trouver l’issue de cette aventure qui se poursuit dans les eaux nauséabondes des couloirs du palais de justice que l’on nomme, à juste titre, le couloir des « pas perdus », mais, hélas, on n’y perd beaucoup plus que des pas, puisqu’on y dépose tout ce qui nous tient à cœur et qui sera jugé, massacré, balafré, en dix minutes chrono, par ces messieurs de la justice, dans l’ignorance totale des faits dans la mesure où aucun juge dans ce domaine n’a ni le temps ni la qualité de juger une vie partagée puis saccagée. Pour la première fois Elénor se trouve dans l’impasse : en effet, jamais on ne quitte véritablement le père de ses enfants, et la meilleure façon de blesser encore l’Autre quand tout est fini, c’est de prendre en otage les enfants. C’est ce que fait celui qui de prince charmant devient prince maudit. Un classique, en fait…
Elénor poursuit sa quête d’elle-même… quand, de nouveau, elle plonge dans le monde doux-amer des sentiments, au plus grand des hasards d’une rencontre, au son de la musique et sur un pas de danse. Il est français, un gars bien d’ici, du terroir, quoi ! comme on dit, il a l’air normal, comme on dit aussi, mais, car bien sûr, il y avait un mais…il est marié en train de divorcer… Avec lui, après plusieurs pas de danse et une soirée à bavarder style « plus si affinités », elle redécouvre le plaisir de la chair, avec l’espoir, tout de même, de concrétiser un lien suivi comme il se doit, lorsqu’on a affaire à un gars du terroir, sain, honnête et sérieux. Sain, honnête et sérieux, il l’est, peureux, aussi, il l’est… Peureux et anxieux : en effet, une fois la femme consommée, l’homme se met à réfléchir sur l’acte qu’il a posé et alors… Le temps,
souvent, suspend son vol…pour annoncer à la pauvre dame, déjà transie d’amour
pour son troubadour, en qui elle a toute confiance, se sentant aimée et
protégée, pour annoncer à sa dulcinée de dernière minute qu’il a réfléchi,
qu’il est perdu, qu’il ne veut plus poursuivre cette liaison, que ce n’est pas
le bon moment, qu’il veut d’abord divorcer, etc. L’homme qui
fuit la femme qu’il courtisait la veille, peut devenir très bavard sur les
raisons que soudain il découvre pour cesser net une relation à laquelle il
avait engagé, toujours la veille, toute sa tendre et belle personne. L’homme
n’est jamais coupable, encore moins responsable, ça se sait de source sûre,
puisque c’est lui qui le dit.
Est-ce sa
faute à lui si le plaisir des sens l’entraîne sur le chemin hasardeux de la
baise à deux et si la femme passe de l’air heureux à l’air piteux, d’un
chevalier valeureux à un gueux, à ses yeux ? Nous sommes loin de l’amour
courtois du Moyen-âge… L’homme du terroir ne s’avère donc pas plus sûr que ceux
qu’on lui disait peu sûrs pour avoir une autre culture, ce qui, donc, complique
souvent l’entente. Après cette aventure épique, on peut imaginer que notre Elénor, fatiguée de ses velléités, s’arrête de papillonner pour rester,
tranquille, dans son foyer protégé et coquet. Eh bien, non ! Elle repart
danser, telle la chèvre de Monsieur Seguin, heureuse et libertine, avisée,
certes, des dangers, mais excitée quand, de nouveau, l’appel de la salsa la
jette dans les bras de… Justin, le petit lapin, venu brouter l’herbe alléchante
des dames esseulées du samedi soir.
La voici
qui découvre les affres de la polygamie, ce qui l’oblige, de nouveau, à se
positionner face à l’homme en rut intermittent, un coup chez l’une, un coup
chez l’autre, n’hésitant pas à les inviter ensemble, pour faire connaissance,
afin d’en convaincre une d’accepter l’autre. Depuis vingt ans, cette autre
jeune femme partage, de façon clignotante, la vie de son lapin. En effet, notre
chaud lapin, en vingt ans, a engrossé déjà sept femmes différentes, de leur
plein gré, certes, mais quand même ! Elénor reste ébahie devant l’acceptation
de cette unique femme à n’avoir eu aucun enfant avec lui, malgré les vingt ans
ensemble, et devant l’aplomb total de cet homme, par ailleurs, bel homme et
bavard, qui lui répète aimer pardessus tout parler avec elle.
Et c’est
vrai ! Il vient très souvent, surtout pour bavarder, Il est aussi très gentil avec
les enfants, la conseille quand elle les gronde avec excès. Il apporte un peu
d’humanité dans la vie désertée d’Elénor. Bref, tout le monde aime bien quand
il est là, ce qui est naturellement rare, vu le nombre de foyers dont il
dispose bien qu’il habite seul. Relation amoureuse bizarre et déstabilisante
dont notre " héroïne " se serait bien passée mais c’est pourtant bien elle qui le
relance quand la distance entre eux se creuse.
Paradoxe
inhérent à la gente féminine comme on peut le vérifier tout au long de ce
livre…
Mais voilà
que des problèmes de prostate, évidemment, démoralisent notre petit lapin qui
doit désormais apprendre à se poser, à ne plus tremper son pinceau n’importe
où, comme se plait à le lui dire Elénor, de plus en plus amoureuse, hélas, de
cet homme diablement charmant mais trop souvent absent. Heureusement ! Car, la
voici décidée, la mort dans l’âme, un soir, à se rendre chez lui, à
l’improviste, pour mettre définitivement à plat tout ce qui ne va pas, liste
interminable…
Notamment, des
soupçons de mensonges concernant une éventuelle prolongation de polygamie, mais
qu’il sait faire taire, jusqu’à l’arrivée impromptue de « la première sur le
marché », dépitée de la voir, bien sûr, puisqu’elles étaient ensemble lorsque
notre lapin avait promis, un, de ne plus voir Elénor, deux, de ne pas la
quitter, l’autre, chacune étant partie rassurée, jusqu’à ce qu’il rappelle Elénor,
l’assurant, une fois de plus, avoir rompu avec elle… l’autre. Vous suivez
toujours ? Par contre ne jamais suivre un homme qui vous rassure tout le temps…
Dans un
élan de désespoir, Elle fait, à cet homme, la plus longue tirade de sa vie, lui
renvoyant en miroir la grossièreté de son comportement envers les femmes, et la
nécessité, désormais, pour elle, de le quitter, malgré… Non, ça, le dernier
mot, elle ne le dit pas, elle le déverse en pluie continue de larmes, chez
elle… désormais lucide.
Suspension, Fran Nuda : Elénor
Que l’amour est difficile !
RépondreSupprimerQue l’amour fait souffrir !
Mais que l’amour est bon ....
merci Fràn de nouveau . Je crois voir ds ton portrait de femme , une femme que j’aime bcp 😘
🤔 il en reste encore ? 😘
RépondreSupprimerL'amour est si bon lorsqu'il est partagé.Encore faut-il qu'il y ait respect et connaissance de soi et de l'autre.Bravo à vous deux encore une fois.La toile de Sylvie est très parlante.
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