La Danse et le sacré, Maurice Béjart et Mako

Une notion qui me tient à coeur, la danse et le sacré. Au-delà du fait religieux mais bien en accord avec le Soi, la racine de l'ego. L' ego, c'est ce petit moi, le propriétaire, le masque, d'actualité, et pas que dû à la covid - alors que le Soi, c'est le fondement de la personnalité, la souveraine dignité métaphysique, la source créatrice, l'infini, quand l'ego est volatilisé. Lorsqu'on fait UN avec la Vie et l'Univers. La danse est un des chemins qui y conduisent, ce fut le mien, entre autres. Voir ma fille emprunter ce chemin de vie, dans les conditions difficiles actuelles de la grande Histoire de l'humanité, en en faisant son métier, sans y avoir véritablement contribué en le lui imposant d'une façon ou d'une autre, me fait lui dire combien l'éthique et la fidélité à soi doivent toujours guider ses pas et son mouvement, notamment dans la vie. Elle m'en donne déjà des preuves et en cela je suis fière d'elle. Lui offrir dans cette publication le regard singulier de Maurice Béjart, à travers cet entretien qui n'a pas pris une ride bien que datant de 1988, comme une nourriture artistique mais aussi une voie de connaissance.

Fran Nuda


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 Entretien avec Maurice Béjart, extrait, par Gilles Farcet, pour la revue Nouvelles Clés, 1988 :

N.C :  Le libre arbitre joue sans doute un grand rôle dans la vie d'un artiste sous la forme de l'acharnement, de la volonté de perfection...

M.B : Vous savez, notre époque a beaucoup abusé du mot "artiste". En vérité, les plus grands artistes furent des artisans. Les sculpteurs égyptiens ou les bâtisseurs de cathédrales étaient des hommes qui possédaient en profondeur un métier et n'éprouvaient pas le besoin d'apposer leur signature sur une oeuvre réalisée selon des canons traditionnels. Par la suite,  au métier est venue s'ajouter la personnalité. L'on trouvait à la renaissance des personnalités telles Léonard ou Michel-Ange, soutenues par un métier sublime. Puis, petit à petit, la personnalité en est venue à détruire le métier. Et nous voici à notre époque où l'oeuvre d'art n'est plus rien qu'une signature. Je ne sais s'il reste aujourd'hui des artistes ; je suis par contre persuadé qu'il n'y a presque plus d'artisans. Cela dit, et pour en revenir à cette question de la détermination chez un créateur, je vois là encore un double mouvement. D'un côté, nul ne peut nier l'importance de l'acharnement, que l'on retrouve chez les mystiques comme chez les conquérants. Mais en même temps, il convient de se laisser porter par le destin. Pour ma part,  j'établirais une distinction entre vouloir et  décider. Il est capital de vouloir, sous peine d'être un faible et un lâche. Mais à quoi bon prétendre décider ? Le jour où l'on se met en tête de "décider", on va contre la volonté divine, on s'oppose au mouvement des choses. Ne croyez-vous pas que les grands conquérants ont amorcé leur chute du jour où ils se sont crus libres de décider ?

[...]

 N.C : Pourquoi la danse devrait-elle plus particulièrement retrouver ses origines rituelles et sacrées ?

M.B : Davantage que les autres arts, la danse réunit des composantes diverses : le temps et l'espace, par exemple, alors que la musique est uniquement dans le temps. L'architecture ou la sculpture sont uniquement dans l'espace. De plus, la danse nous permet de relier des activités qui sont ordinairement séparées. Prenons l'activité physique : beaucoup de gens aujourd'hui " font du sport ", point final. Dans un autre compartiment, on passe à l'activité émotive, qui peut être religieuse, amoureuse, sentimentale. Puis il y a l'activité intellectuelle. Donc l'homme moderne voit sa vie divisée : il va au bureau, lieu de la vie intellectuelle. A la maison, où l'émotion est privilégiée ; puis sur le terrain de sport où il s'adonne à une activité physique. Or, la danse exige que l'on fonctionne sur les trois plans en même temps : physique, intellectuel et émotif. Les danses traditionnelles, dont on a l'impression qu'elles sont improvisées, se révèlent en fait extrêmement élaborées, très compliquées. Les rythmes hindous, par exemple,  relèvent des mathématiques supérieures. J'ai moi-même bien du mal à les dominer, après des années d'étude. Le rythme hindou, c'est : 1 2, 1234, 1 2 1, 1, 1 2 3... Vous voyez ? Cela nécessite donc un travail intellectuel quasi scientifique. L'émotion participe, elle aussi,  car la danse procède de l'émotivité. Quant au travail physique, il est évident. on utilise ses muscles, on transpire, comme un coureur à pied. La danse est donc une des rares activités dans laquelle l'être humain, tout à coup,  se retrouve complet. Voilà qui me paraît important.

 [...]

N.C : Tout artiste ne se poserait-il pas, un jour ou l'autre, ce que Dostoïevski nommait  les "questions éternelles" ?

M.B : Je ne crois pas qu'on se les pose à un moment précis. Elles sont là dès le départ, et l'on s'interroge régulièrement, tous les huit jours ou tous les huit ans. Je ne discerne pas , dans ma vie,  un moment où je dirais : "Il est temps de faire le point." Ce point, je le fais tous  les matins. Il n'est pas une oeuvre au milieu de laquelle je ne me sois pas arrêté en me demandant : "Que suis-je en train de faire, et pourquoi ? Dois-je continuer ?" Il ne s'agit pas d'une tempête survenant une fois dans la vie. C'est une crise permanente, avec des hauts et des bas.

[...]

N.C : Un maître hindou vous a conseillé de faire de la danse un yoga... 

M.B : Le yoga consiste à se servir de certains mouvements physiques pour dominer et épanouir le corps mais surtout le transformer et en faire un allié de l'esprit. Bien conçue, la danse n'est rien d'autre. Lorsque ce maître m'a vu travailler, il m'a dit : "Pourquoi chercher une autre méthode ? Vous en avez déjà une, transfigurez-la par la spiritualité." Le mouvement en lui-même n'est pas si important ; l'attitude intérieure est essentielle, le fait de relier avec intensité la pensée au souffle et au mouvement...

N.C : Tout danseur désireux de bien exercer son métier parviendra donc nécessairement à un état de présence à lui-même ; et cependant, tous ne s'en trouvent pas transformés...

M.B :  Vous savez, cela se passe dans l'inconscient... les danseurs sont des gens différents des autres êtres. voilà pourquoi je préfère vivre avec eux plutôt qu'avec des personnes étrangères à la danse. Même s'ils disent n'avoir aucune préoccupation spirituelle, ils ressemblent à des moines, davantage en tous cas que les membres d'autres professions artistiques...




Commentaires

  1. Belle rétrospective de la arrière artistique de Mako qui est très talentueuse dans l'expression de son art. Merci aussi pour ta courte prestation en danse. L'extrait de l'entretien avec Maurice Béjart est bien choisi. Bravo à toi, Mako et M. Béjart. Merci.

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  2. Alors là 👏👏👏
    Lamour transpire dans ce reportage.
    Mako est une princesse, divine ...
    Tres belle, tres sensuelle et tres à l’aise avec les éléments, le feu c’est elle !
    Quant a la mama , omg, quelle ligne, quelle sveltesse dans ces petits pas de danse .
    Bravo les filles, ne changez pas, la danse coule dans vos veines .
    😘😘

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  3. Hello Fran.... La danse je dois reconnaitre c'est pas ma tasse de coca, mais lorsque c'est expliqué, bien réalisé et admirablement réalisé je ne peux dire que chapeau bas l'Artiste !

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  4. Tout simplement magnifique.
    L'amour que voit ma sœurette, oui, ainsi que fierté, soutien et admiration.
    Superbe entretien également. Merci à vous 2 pour cet excellent moment

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  5. Tant de choses dans cette vidéo... ne serait-ce qu'un peu de l'ambiance d'une représentation ça paraît fou mais ça semble loin..

    Tout à fait à propos l'entretien avec Maurice Béjart haha et très intéressant, merci pour ce superbe post ☆ Mako

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  6. Tres belle video ou mako represente l amour la passion la grâce de la danse c est innee chez elle son corps est tres explicite...
    Maurice bejard je l ai souvent rencontré avec le groupe meme fait quelques repetitions il etait tres passionne lui aussi et tres curieux par la danse russe...
    Merci avous frux de cette video
    Amities
    Marwychkka lyly 🕌

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