Colette et l'acte d'écrire...

 Tout ce que Colette a publié, seule ou avec son mari d'alors, je l'ai lu au temps de mon adolescence, ma très jeune adolescence. Elle est une de mes figures féminines qui m'a initiée sans le savoir à la vie, en quelque sorte. Une chance...  Je remercie  mon amie Soiz de m'avoir donné à voir cette vidéo où Colette parle de son cher village, Saint-sauveur en Puisaye dans l'Yonne et de sa maison natale.

Elle a notamment dit  : " Écrire comme personne avec les mots de tout le monde ", ce qui, pour moi, est la définition même d'un écrivain. J'ai choisi de vous donner à lire ici ce qu'elle dit justement de l'acte d'écrire... Est-il nécessaire de vous dire que ce n'est pas par hasard que je choisis de vous donner à lire ici sa façon on ne peut plus personnelle de parler de cet acte d'écrire avec cette jouissance des mots toujours offerte sous sa délicieuse plume. Du Colette, quoi !


Fran Nuda

 




Écrire, pouvoir écrire ! Cela signifie la longue rêverie devant la feuille blanche, le griffonnage inconscient, les jeux de la plume qui tourne en rond autour d’une tache d’encre, qui mordille le mot imparfait, le griffe, le hérisse de fléchettes, l’orne d’antennes, de pattes, jusqu’à ce qu’il perde sa figure lisible de mot, mué en insecte fantastique, envolé de papillon-fée…

Écrire… C’est le regard accroché, hypnotisé par le reflet de la fenêtre dans l’encrier d’argent, la fierté divine qui monte aux joues, au front, tandis qu’une bienheureuse mort glace sur le papier la main qui écrit. Cela veut dire aussi l’oubli de l’heure, la paresse au creux du divan, la débauche d’invention d’où l’on sort courbatu, abêti, mais déjà récompensé, et porteur de trésors qu’on décharge lentement sur la feuille vierge, dans le petit cirque de lumière qui s’abrite sous la lampe.

Écrire ! Verser avec rage toute la sincérité de soi sur le papier tentateur, si vite, si vite que parfois la main lutte et renâcle, surmenée par le dieu impatient qui la guide… et retrouver, le lendemain, à la place du rameau d’or, miraculeusement éclos en une heure flamboyante, une ronce sèche, une fleur avortée…

Écrire ! Plaisir et souffrance d’oisifs ! Écrire !… J’éprouve bien, de loin en loin, le besoin, vif comme la soif en été, de noter, de peindre… Je prends encore la plume, pour commencer le jeu périlleux et décevant, pour saisir et fixer, sous la pointe double et ployante, le chatoyant, le fugace, le passionnant adjectif… Ce n’est qu’une courte crise, la démangeaison d’une cicatrice…

Il faut trop de temps pour écrire ! Et puis, je ne suis pas Balzac, moi…

Colette

Commentaires

  1. Intégré avec des mots justes et à la portée du commun des mortels . Merci.

    RépondreSupprimer
  2. Spontanée, intelligente , peu importe le flacon pourvu qu’on est l’ivresse, ainsi avec des mots simples, Colette sait nous mener très haut .

    RépondreSupprimer
  3. Merci Fran ! Ahh, chère Colette, marquée à jamais par son enfance à St Sauveur et la beauté des fleurs de son jardin ! (((*_*)))

    "Je suis restée une paysanne. Entre le sécateur et le stylo, je n'hésite pas un instant" Colette, Journal de Marie-Claire

    RépondreSupprimer

Enregistrer un commentaire

Pour vous aider à publier votre commentaire, voici la marche à suivre :
1) Écrivez votre texte dans le formulaire de saisie ci-dessus
2) Si vous avez un compte, vous pouvez vous identifier dans la liste déroulante Commentaire
Sinon, vous pouvez saisir votre nom ou pseudo par Nom/URL
3) Vous pouvez, en cliquant sur le lien S'abonner par e-mail, être assuré d'être avisé en cas d'une réponse
4) Cliquer sur Publier enfin.

Voilà : c&#39 est fait.
MERCI !

Posts les plus consultés de ce blog

Colores, Poesía de Federico García Lorca

Et si nous valions mieux que le bonheur ?

La dissociation, extrait de La folie cachée de Saverio Tomasella