Réel ou Virtuel ?

Aujourd'hui, je voudrais porter votre réflexion sur ces mondes qui ne cessent de se défier : Réel et Virtuel. Chacun a sa petite idée, le plus souvent théorique car dans la pratique, pas toujours simple de faire la part des choses... alors, pour quelque peu alimenter votre réflexion, comme un clin d’œil du jour, j'ai choisi cette " Carte blanche " extraite de la revue Psychologies de Mars 2016, carte blanche offerte à Christophe André, psychiatre et psychothérapeute qui nous parle ici d'un moment de vie pris sur le vif - au sens propre comme au sens figuré, d'ailleurs 😄- comme le quotidien nous en offre souvent sans que nous y soyons particulièrement attentifs... J'y associe cette photo tout aussi rafraîchissante que le texte, me semble-t-il... Le fait que ce soit une femme est pure coïncidence qui, il faut bien le reconnaître avec humour, fait parfois bien les choses... et  confirme combien homme et femme sont complémentaires et nécessaires non seulement à la survie de notre espèce mais aussi à celle de notre réflexion à chacun, n'est-ce pas ? 😜


Fran Nuda

Photo libre de droits du WEB

Intranquille, gare de Lille

Je rentre chez moi après un congrès. A la gare, j'ai un peu d'avance avant que mon train n'arrive. Il fait froid dans le hall, alors qu'un beau soleil d'hiver éclaire la matinée ; je sors m'installer sur un banc pour savourer la lumière et l'instant. Mais ce n'est pas simple.
Rapidement, deux jeunes filles viennent me demander " une petite pièce ". Porte-monnaie au fond de ma valise, gêne de tout ouvrir et déballer sous leurs yeux, réticence à obtempérer à leur sollicitation formulée avec un mélange d'agressivité et d'indifférence feinte (je me doute bien qu'elles préféreraient avoir de l'argent que d'en demander). Impression aussi que c'est pour acheter de la drogue. Je refuse, elles s'éloignent.

Je m'installe un peu mieux et ferme les yeux pour voir le soleil à travers mes paupières. Un monsieur arrive, allume une cigarette, et se tient debout à quelques mètres, juste dans l'axe du petit vent froid qui rabat sa fumée sur moi. La plupart du temps, il ne tire pas sur sa clope mais la laisse se consumer à l'extérieur ; c'est cette fumée même pas filtrée par ses poumons, qui arrive dans les miens, et je n'aime pas ça. J'ai la flemme de lui demander d'arrêter, je vais m'asseoir un peu plus loin sur un autre banc.

Je referme les yeux, et souris doucement, content d'être là, même s'il fait froid, même si la circulation fait du bruit. " Monsieur, s'il vous plaît ? " C'est un homme qui voudrait lui aussi un peu d'argent. Quelques minutes après, une jeune Gitane m'en demande, avec le visage fermé d'une enfant dont la vie est dure, et qui est résignée à ne pas être aimée.
J'ai compris. Mon souhait à moitié normal (passer un quart d'heure tranquille sur un banc au soleil) est aussi à moitié chimérique, car je suis dans un lieu public, où chacun vient chercher ce dont il a besoin : soleil et tranquillité pour moi ; possibilité de fumer pour le monsieur ; argent pour les autres. C'est normal, c'est le monde réel. Alors ce matin-là en tout cas, je ne m'agace pas. tendresse et compassion pour ces humains qui m'ont empêché de profiter de mon bout de banc au soleil. Si je veux être tranquille, ce ne sera ni à cet instant, ni à cet endroit.
Je rentre dans la gare. Personne ne me demande plus rien, lois et vigiles écartent mendiants et fumeurs. Je me demande si j'ai fait le bon choix entre ces deux univers, entre le monde réel de l'extérieur, beau et dérangeant, et le monde virtuel de la gare, où j'ai la paix sans le soleil.
Une voix de femme robotisée annonce que mon train entre en gare. Le bon choix ? Je connais la réponse : je préfère l'inconfort nourrissant du réel à la quiétude creuse du virtuel. Vivre dans le réel, c'est comme marcher pieds nus : parfois le sol est doux, parfois il nous fait mal. je ne veux pas passer ma vie pantoufle aux pieds.

Christophe André

Commentaires

  1. Virtuel, le dico nous dit quelque chose ou quelqu’un qui est susceptible d’exister mais qui reste sans effet dans le présent .
    Faux , j’ai des amis virtuels , loin du genre papillon posé sur mon épaule avec qui je parle , mais des personnes, des vraies qui existent et qui me font bcp d’effet . Amitié, tendresse, amour même et hier, aujourd’hui et demain . .
    Faux aussi pour le lieu, je rentre ou je veux dans mon monde et personne ni rien ne peut m’en empecher. .
    Mon virtuel est dans la tête et il m’aide, , c’est ma liberté et contrairement au hall de gare il m’offre d’innombrables possibilités

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  2. Je me sens toute petite face aux essais philosophiques de Patricia et Sylvie. Je n'aurais pas employé le mot virtuel mais aseptisé pour la gare, on chasse tout ce qui peut déranger, comme des microbes. J'aime côtoyer la vie, sous toutes ses formes, garder les yeux ouverts. Quand au virtuel je rejoins Sylvie, il y a des amis virtuels de chair et d'os, on le sent, c'est palpable, et leur éloignement chagrine autant que les"réels "

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  3. Dans le texte ci-dessus, que ce soit la rue ou la gare, tout ce que je vois est bien réel, seule la voix de la femme peut sembler virtuelle mais cette femme existe bien .Le virtuel c'est comme les souvenirs, lorsque je pense à mes chers disparus, je ne peux plus les toucher mais ils sont toujours vivants dans mon cœur et ont bien existé.De nos jours, le virtuel est souvent abordé négativement, les réseaux sociaux, les jeux vidéos...etc mais c'est à chacun de nous de faire la part des choses.Voilà ma petite analyse bien modeste ....Merci Fran!

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