C'est ton devoir, avait ajouté ma
mère. Tu viendras et tu ne feras pas de
grande scène.
- Le devoir ? Vous parlez de
devoir ? Je me fous du devoir.
Je m'étais tournée vivement vers eux. La rage avait pris le pas sur la douleur.
-
Eh bien, oui, tu as des responsabilités, et tu
vas les assumer, m'avait répondu mon père.
-
Vous vous moquez complètement de Colin, et de
Clara ou de moi. Tout ce qui vous importe, ce sont les apparences. Donner
l'image d'une famille effondrée.
- Mais c'est ce que nous sommes, m'avait rétorqué ma mère.
-
Non ! La seule famille que j'aie connue, ma vraie seule famille, je viens de la
perdre.
J'étais à bout de souffle, ma
poitrine se soulevait. Je ne les avais pas quittés des yeux. Leurs visages
s'étaient décomposés un bref instant. J'avais cherché un signe de contrition, il
n'en avait rien été. Leur façade était inébranlable.
[…]
Félix, aide-la à y aller. Il faut
qu'elle le fasse. Ce n'est pas le moment de jouer les capricieuses.
La main de Félix avait broyé la
mienne, il avait arraché les fleurs des mains de ma mère.
-
Ne le fais pas pour tes parents, fais-le pour
toi, pour Colin et Clara.
- Je me suis dépêché, me dit Félix en me
rejoignant. Lâche les roses, tu te fais mal.
Il s'accroupit devant moi, dénoua
mes doigts les uns les autres et retira les roses, qu'il posa par terre. Mes
mains étaient en sang, je n'avais pas senti la morsure des épines. Il passa un
bras autour de ma taille et m'aida à me mettre debout.
Nous marchâmes dans le cimetière
jusqu'à un point d'eau. Sans un mot, il me lava les mains. Il prit un arrosoir et le remplit. Il m'entraîna à ses
côtés, il avançait sans hésitation. Il me lâcha et entreprit de nettoyer une
tombe, leur tombe, cette tombe que je voyais pour la première fois. Mes yeux
parcouraient chaque détail, la couleur du marbre, la calligraphie de leurs
noms. Colin avait vécu trente-trois ans
et Clara n'avait pas eu le temps de fêter ses six ans. Félix me tendit les deux
roses.
- Parle-leur.
Je posai mon ridicule présent sur
la tombe et me mis à genoux.
-
Hé, mes amours... pardon... je ne sais pas quoi
vous dire...
Ma voix se brisa. J'enfouis mon
visage dans mes mains. J'avais froid. J'avais chaud. J'avais mal.
- C'est si dur. Colin, pourquoi as-tu pris
Clara avec toi ? Tu n'avais pas le droit de partir, tu n'avais pas le
droit de la prendre. Je t'en veux tellement de m'avoir laissée toute seule, je
suis perdue. J'aurais dû partir avec vous.
Du plat de la main, j'essuyai mes
larmes. Je reniflai bruyamment.
- Je n'arrive pas à croire que vous ne
reviendrez jamais. Je passe ma vie à vous attendre. Tout est prêt, à la
maison, pour vous... On me dit que ce n'est pas normal. Alors je vais m'en
aller. Tu te souviens, Colin, tu voulais qu'on aille en Irlande. J'ai dit non,
j'étais bête... j'y vais pour quelque temps. Je ne sais pas où vous êtes, tous
les deux, mais j'ai besoin de vous, surveillez-moi, protégez-moi. Je vous
aime...
Durant quelques instants, je
fermai les yeux. Puis je me relevai avec difficulté, mon équilibre était
précaire, ma tête tournait, Félix m'aida à me stabiliser sur mes jambes. Nous
prîmes la direction de la sortie sans nous retourner et sans un mot. Avant de
descendre dans le métro, Félix s'arrêta.
- Tu vois, jusque-là je ne te croyais pas
quand tu disais que tu voulais t'en sortir, m'avoua-t-il. Mais ce que tu as
fait aujourd'hui me prouve le contraire. Je suis fier de toi.
Merci Fran . Je partage évidemment beaucoup de sentiments avec ces mots .
RépondreSupprimerce tableau magnifique de syl accompagné de cette lecture qui en dissent long mon beaucoup touchée .personnellement je préfère écrire ses quelques lignes .
Supprimer" Assise à la terrasse d'un café ,fatiguée ,lasse ,ma tête accoudée ,je regarde a à travers le voile de fumée de ma cigarette ,passer le monde devant moi .Je remonte à l'envers l'horloge du temps pour faire défiler mes souvenirs passés au bout de ce chagrin où mon coeur est en peine envahi par des heures de silences et d'absences ,par cette déchirure immense ...Tu as pris dans le vent ton dernier souffle par cette fenêtre ouverte ,éclairée ,où tes yeux ont vu l'aurore qui te conduit vers l'infini ,tu as pris le chemin au milieu de la ronde des étoiles d'or dans la blancheur des nuages avec la lune au fond de topaze qui brille sur un ciel nébuleux ....Je voyage dans d'autres paysages ,ma route ne s arrête pas là ...!!! je renais...
SupprimerMerci Lyly ... cette toile s’appelle : désarmée
Je l’ai peinte suite aux attentats à Paris où des jeunes sont morts juste parce qu’au mauvais endroit , au mauvais moment ils buvaient un ptit truc en terrasse, ça aurait pu être un ou les miens ... Pour en avoir déjà perdu un , je ne suis non pas brisée mais fissurée et plus jamais pour moi cette ignominie de la nature, ce n’est pas dans l’ordre des choses et je ne pourrais plus jamais le re supporter . Bises Lyly et Fran.
la toile de Sylvie, les mots.... les mots, la toile..... touchée au coeur..... ça résonne là où ça fait mal....
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SupprimerJ'ai lu ce livre il y a quelques temps. Un magnifique livre sur le deuil.Et la sublime toile de Sylvie , chargée d'émotion aurait pu en être là couverture.
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SupprimerMerci les filles ... on sait qu’un jour ou l’autre on perdra nos parents, bons rapports ou pas, c’est une évidence et on y laisse des plumes, rien qu’une grande partie de notre passé qui va a ce moment ressurgir ... mais un enfant c’est tout autre, c’est contre nature, c’est pas naturel et là ce n’est pas des plumes , du passé perdu mais Une Partie de nos entrailles, de Nous .... on est diminué , on survie , organes en moins à jamais comblés .... promis , juré, quoiqu’il arrive après on survit et si d’autres enfants arrivent, heureusement, bénédiction, on peut le dire , mais toujours se pointe l’idée : si jamais on me les prenait encore une fois ...,,, alors ma solution toute trouvée : by by , je quitte, j’ai trouvé la force d’en perdre une mais je renonce et m’efface totalement pour un autre . Voilà je vis avec, je fais avec , on est 2 d’ailleurs , notre couple a survécu à cette amputation , toujours en nous présente, on n’en parle plus, on ne peut pas , mais gangrenés jusqu’à notre fin de vie . Non rien n’est simple ... et ça ne le sera plus jamais . entre temps ; parents, frère sont partis aussi, ça n’aide pas, ça ranime la plaie .... Même si des fois dés futilités nous chagrinent , on n’est à jamais cassé mais heureusement nos 3 enfants nous comblent et la petite dernière nous ravit . Ainsi suit la vie ....
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